Elle a renoncé. Mais si elle avait continué, ils ne se seraient pas déballonnés. Cependant, la pluie qui cède du terrain, ça fait du bien. Les corps sont éreintés et il faut les ménager jusqu’au férié. Moins de mobylette ce mercredi, quelques croquis, plus d’interviews, plus d’informatique et surtout, une soirée à l’imprimerie.
Tazab quitte la Bretagne mercredi matin. Sur les rails, il croque. Peut-être pour mettre le blues à distance. Ça fonctionne, le souvenir du fest-noz et le croquis de la broderie hallucinée des pieds de Lapin emporté dans un an dro néanmoins maitrisé sont un remède efficace. A Gaël, pendant son café-croq, Luc reçoit un appel de France 3. Les actualités régionales veulent diffuser Croq and Mob. L’équipe est en route. Programme bousculé. Direction Paimpont, les mobs escortées par les caméras. Dans le café de Valérie, c’est travelling Brocéliande. Déjeuner au bord de l’étang, Luc met son portable au rencart et prend le temps de croquer la tablée. Guillaume, triomphant, fait un sort au sanglier coiffé. Retour par le château Comper. Un géant plus que centenaire pose afin que Yann lui dessine les charpentières. Philippe K. entame une conversation dessinée avec un herbivore récalcitrant.
Dans le calme du Villeu, l’atelier scan’, entamé les jours précédents, se poursuit. Oui, l’atelier scan’. Car sans dessins scannés, pas d’expo. Sans dessins scannés, pas de journal.
« Le journal ? Le collector. D’accord. Quel format ? Format journal. Ah c’est grand, mais ok. Combien de pages ? 36. 36 ! C’est beaucoup 36, non ? 32 alors. Ah oui, c’est mieux. Et on l’imprime quand ? Mercredi soir. Mercredi soir… euh… la semaine prochaine ? Non non, cette semaine. Tu veux dire… le 6 mai ? Oui, le 6, pour l’avoir le 8. Et le bouclage, c’est quand ? Tout à l’heure. Ok, on y va alors. »
(Croq and Mob, c’est ça : un fou qui a une idée et d’autres fous qui disent, ok, on y va alors.).
La méthode : chaque dessinateur scanne ses croquis et les envoie à l’atelier maquette, improvisé dans les bureaux de Nadia. 11 dessinateurs, 1 scanner, une centaine de croquis. Merveilleuse technologie et folie pure. Prévoyantes, nous avons anticipé. Sur la grosse bécane, le gabarit de la maquette est prêt depuis… avant-hier ! Il n’y a plus qu’à insérer les dessins.
« Ils sont où les dessins ? Qui n’a pas scanné ? Philippe Kalvez ? Je le fais ce soir. Yann Lesacher ? Demain à 10 heures, tu les auras, promis. Guillaume Duval ? C’est prêt, les derniers sont partis. Vous n’oubliez pas, vous légendez avec votre nom et le nom de la commune. Pas de date ! Et à partir de mardi matin, vous ne les envoyez qu’à Nadia, plus jamais à moi, je ne pourrai ni les réceptionner ni les transférer. »
Comme c’est bon de pisser dans un violon. Extraordinaires et magiques croqueurs qui nous ont contaminés de leur optimisme cyclopéen et de leur confiance totale en l’avenir.
Mercredi après-midi, la deadline nous passe sous le nez. Il est 18h30. Direction l’imprimerie Le Maire à l’entrée des Côtes d’Armor. Sur le siège arrière, la grosse bécane (de marque Pomme, avec écran et disque interne), les fils, le disque dur, des madeleines pour la route. Nous sommes hors-délai, hors-champ, hors-norme. A l’imprimerie Le Maire, branchements puis fabrication du fichier. Rivées sur l’écran, nos rétines accommodent sans parvenir à faire le point. La définition est floue, promesse d’un désastre à l’impression. Nous recommençons. Si elle ronge son frein, l’équipe de l’Hebdo/LeMaire n’en montre rien et ne départit ni de sa gentillesse ni de son humour. Réédition du fichier. « Ah c’est bien là. Attends… mais c’est quoi ça… ? Ils sont où les dessins ?!!! » Pages 6, 9 et 11, les dessins se sont volatilisés. Nadia et Paulette, la maquettiste, tentent une chirurgie réparatrice. Yannick, le conducteur, lance l’impression avec les bonnes feuilles. La presse régurgite à la vitesse de la lumière, enfin, je crois. Dans le bureau, les 3 pages escamotées sont reconstruites à 4 mains, d’un logiciel à l’autre. Je savoure secrètement le spectacle de cette collaboration incroyable et je compte tous les petits chefs-d’œuvre accomplis depuis le début de ce Croq and Mob. Je me retourne, dans mon dos, j’aperçois des ailes.
A 22h30, Nadia et Paulette s’embrassent, bon travail les filles. Nous reprenons la route, Nadia, la grosse bécane et moi. Nous roulons, hilares, jusqu’au Villeu-Giffard. Pas une seconde, nous n’imaginons l’émotion que procurera le spectacle de la palette des 2000 journaux…
cf.
© Crédit photos Pascal Glais